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À quoi ressembleront nos villes dans les prochaines années ?

Conception et imagerie: Alexandre Berthiaume de futildesign.com
Conception et imagerie: Alexandre Berthiaume de futildesign.com

Dans les 20 à 30 prochaines années, on estime que les villes accueilleront 70% de la population mondiale. En marge du congrès mondial des STI (systèmes de transport intelligent), qui se tiendra à Montréal, du 29 octobre au 2 novembre, nous avons interrogé Jean-François Barsoum, Consultant délégué principal, villes intelligentes, pour IBM recherche et développement. Jean-François adore vulgariser les concepts des villes intelligentes, de l’innovation et des changements climatiques, et donne des dizaines de conférences sur ces sujets chaque année.

Quels sont les enjeux auxquels les villes devront faire face ?

Nous sommes à la croisée des chemins et notre avenir dépend de nos choix dans les 3 ou 4 prochaines années. Je vois trois tendances :

  1. L’électrification massive du transport qui va considérablement réduire le coût d’entretien et d’utilisation des véhicules ainsi que les émissions de GES.
  2. La venue du véhicule autonome qui est à nos portes. On parle d’environ 18 mois pour la technologie de base, et quelques années tout au plus pour que cela devienne accessible à tous… Pour que cette technologie soit utilisée à bon escient, il faut impérativement un changement des mentalités. Car étant donné que les activités à l’intérieur du véhicule seront multiples, l’on peut se demander si nous ne serons pas plus tolérants au temps de parcours. Ce qui favoriserait alors l’étalement urbain et les congestions.
  3. L’autopartage qui serait la solution idéale pour optimiser l’utilisation de la voiture autonome. Le véhicule deviendrait un moyen comme un autre de se déplacer et plus une propriété en tant que telle. C’est une habitude que l’on doit développer dès maintenant afin de s’adapter au mieux aux scénarios évoqués ci-dessus.

Dans tous les cas, il faudra que les Villes et gouvernements repensent leurs politiques de fiscalité pour qu’elles facilitent la mobilité et la prise de conscience des changements à venir afin que tous y soient préparés. Les gens pensent que l’utilisation de la route est gratuite, que la taxe sur l’essence paye les routes. Or c’est loin d’être le cas. Pour faire une transition vers ce genre de modèle, il faut expliquer les enjeux et refaire les modes de gouvernances pour que ce soit plus transparent.

Que devraient faire les villes pour favoriser ce changement de mentalité ?

La technologie va bien plus que modifier nos modes de déplacements, elle va également changer nos modes de vie. Et ça, la population n’en a pas encore conscience ou se dit que c’est loin. Mais dans les faits, c’est demain! Ce qui est important c’est de faire le plus de projets pilotes possible afin de conscientiser la population sur les changements à venir. Si l’on habitait San Francisco, ou encore Phoenix, on n’aurait pas la même perception. Il y a une réelle ébullition là-bas. De nombreux projets expérimentaux côtoient des nouveaux services comme les systèmes de covoiturage instantanés avec Lyft et Uber, entre autres. On comprend alors l’impact que ça peut avoir sur notre quotidien et notre façon de vivre.

À quoi ressemblera la ville du futur dans les prochaines années ?

Si l’on part du principe que l’autosolo aura disparu, nous pourrions compter sur beaucoup d’espaces verts. Imaginez, l’espace dédié à la voiture occupe 50 à 70 % de la surface totale des villes. Les municipalités auront alors le loisir de développer et densifier certaines zones, réaménager des quartiers au complet, en créer de nouveaux. Les véhicules seront en constant mouvement. Ils occuperont donc beaucoup moins d’espaces. Aujourd’hui, une voiture est immobile 96% du temps.

Les transports seront gérés de façon dynamique, en temps réel et s’adapteront en fonction des conditions météorologiques, géographiques, logistiques, etc. Dès qu’un accident survient et bloque un accès routier, on pourrait très bien imaginer que la répartition de la flotte routière s’adapte à l’instant même pour fluidifier le transport; nous serions alors redirigés automatiquement vers un chemin plus rapide pour arriver à bon port en temps et en heure.

Comment se déplaceront les citadins de demain ?

Il faut voir les transports comme une plateforme de mobilité. Aujourd’hui, on opte pour un mode de transport unique et l’on s’y tient. On mange le même repas tous les jours en quelque sorte. Demain, nous aurons un bouquet de services ou tous les modes seront intégrés. Nous détiendrons un seul et même titre de transport qui nous permettra de voyager, en train, à vélo, en voiture partagée, tram, bus, etc. Nous opterons pour la solution qui correspondra le mieux à nos besoins. Solution qui nous sera recommandée pour faciliter nos décisions.

Pour les transports intercité, les rêves les plus fous sont de mise, ces jours-ci : on se déplacera en un rien de temps d’un point à un autre à des milliers de kilomètres en Hyperloop, avion supersonique, fusées, etc. Bien futé qui pourra prédire quand ceux-ci verront le jour.

Bien évidemment, cette avenue demande aux villes et aux acteurs des transports de repenser leur manière de fonctionner pour ainsi parvenir à une meilleure intégration tarifaire.

De quelles villes Montréal devrait s’inspirer ?

Helsinki a commencé à penser la mobilité en tant que service. Elle s’est fixé un idéal et pour y parvenir, elle envisage de considérablement réduire les espaces de stationnement, pour inciter les voyageurs à ne plus prendre une voiture privée au centre-ville, et plutôt compter sur les services de transport en commun, taxis, etc.

À Leeds, en Angleterre, la circulation d’un quartier du centre-ville à un autre exige de ressortir en périphérie, question de décourager la circulation dans le centre et encourager les modes actifs.

À Singapour, on a opté pour des solutions moins contraignantes. Le projet intitulé ETR2 consiste à passer le coût du transport aux usagers selon leur utilisation. Ainsi les tarifs d’utilisation des transports en commun, des péages, des stationnements sont modulés pour encourager l’autopartage et les transports en commun.

À quoi ressemblera Montréal dans 20 ans ?

 Montréal part avec de nombreux atouts, car elle compte sur des quartiers actifs et comportant chacun leur propre identité. Dans 20 ans, on peut très facilement imaginer un renforcement considérable de ces quartiers, qui seront plus vivants et connectés, avec de vastes zones dédiées uniquement aux piétons; qu’il y ait très peu de pollution, car on a dédié des espaces verts qui réduisent les îlots de chaleur. Montréal sera une ville encore plus agréable à vivre. Les habitants vivront et travailleront près de ces quartiers centraux, et le navettage quotidien des banlieues vers le centre ne sera qu’un lointain souvenir.

Conception et imagerie: Alexandre Berthiaume de futildesign.com

Jean-François développe le concept des villes intelligentes depuis le début des années 2000, et a conseillé de nombreuses villes dans ce domaine.  Il travaille régulièrement avec des startups et accélérateurs du domaine de la ville intelligente, ainsi que dans le cadre de compétitions et hackathons; il collabore également sur des projets d’envergure avec plusieurs universités canadiennes. Il est directeur du Réseau Canadien de l’Eau et du Projet Réalité Climatique de Al Gore au Canada, siège sur la table d’expertise de la mobilité intelligente de l’AQTr, travaille sur le comité des transports intelligents de l’association Mondiale des Routes, conseille le gouvernement du Canada au sujet des technologies vertes, et fait partie du comité des affaires urbaines de Chambre de Commerce de Montréal.

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